Mobilisation contre la domination annoncée des géants du numérique


Le président de l’autorité de la concurrence, Benoît Cœuré, au siège de l’autorité, à Paris, le 6 juillet 2022.

« Veillons à ne pas reconstituer des Gafam de l’intelligence artificielle ! », a enjoint, mardi 16 janvier, la députée Stéphanie Yon-Courtin, devant le Parlement européen. Dans l’avis sur la politique de concurrence de l’UE dont elle est rapporteuse, l’élue Renew s’inquiète, en effet, que les discussions sur la réglementation de l’intelligence artificielle (IA) aient accordé jusqu’ici trop peu d’attention à la « menace de concentration de ce marché » aux mains des géants du numérique Google, Amazon, Facebook (Meta), Apple ou Microsoft. Mme Yon-Courtin propose donc que les services d’IA, comme les assistants personnels de type ChatGPT ou Bard, soient intégrés au Digital Markets Act (DMA), le règlement européen sur les grandes plates-formes numériques.

Après les débats sur les risques d’erreurs, de désinformation ou de pertes d’emploi liés à l’IA, cette initiative est un des signes de l’effervescence autour d’un thème émergent : la crainte de voir cette technologie dominée par une poignée d’acteurs.

« L’IA est le sujet qui monte parmi les autorités de concurrence », confirme le président de l’autorité française, Benoît Cœuré. Cette technologie était au cœur de la réunion des autorités de concurrence du G7, en octobre, à Tokyo. L’IA « a le potentiel de devenir le musée des horreurs de l’antitrust », avait estimé, en novembre, M. Cœuré, lors d’une table ronde de l’association Alliance digitale.

Entorses à la concurrence « en amont »

« D’habitude, l’innovation rebat les cartes d’un secteur et peut bousculer les acteurs dominants. Mais l’IA est la première innovation de rupture se produisant dans un paysage où les entreprises déjà les plus puissantes contrôlent les capacités pour la développer, décrypte le président de l’autorité. Nous sommes inquiets, car ces acteurs ont déjà fait preuve de pratiques anticoncurrentielles. Nous ne voulons pas que dans cinq ans l’IA soit dominée par trois acteurs au niveau mondial. »

Concrètement, les entorses à la concurrence peuvent se produire « en amont » de la chaîne de valeur, dans l’accès aux données, aux capacités de calcul dans le cloud ou aux puces et aux cartes graphiques, décrit M. Cœuré. « En aval », dans la distribution ou la commercialisation des services d’IA, on risque aussi de retrouver « des pratiques déjà vues ailleurs, dans le logiciel ou les services numériques, comme la vente liée », anticipe M. Cœuré.

Sur le volet « amont », l’autorité de la concurrence a, en septembre, fait mener une perquisition dans les locaux français d’un fabricant de cartes graphiques. L’institution ne donne aucun détail sur l’enquête, mais il s’agit, selon Challenges, de l’américain Nvidia, ultradominant sur ce type de matériel haut de gamme utilisé pour les énormes calculs informatiques nécessaires aux IA. Ce genre de procédure vise, par exemple, à déterminer si certains clients ont été exclus ou si les prix ont fait l’objet de distorsions.

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Catégorie article Politique

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